Comment communiquer avec des patients allophones ?

La communication est un pilier fondamental de la relation soignant-soigné. Mais que se passe-t-il lorsque le patient ne parle pas français ? Cette situation, de plus en plus courante dans un monde marqué par la mobilité et la diversité culturelle, peut entraîner des difficultés de compréhension et affecter la qualité des soins. Quels sont les risques et comment garantir une communication efficace tout en assurant une prise en charge optimale ? Voici quelques stratégies et outils à mettre en place.

Les risques d’une mauvaise communication

Une communication inefficace entre soignants et patients non francophones peut avoir des conséquences graves sur la qualité des soins et la sécurité des patients. Selon une liste établie par les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) sur la base de plusieurs études, les patients confrontés à une barrière linguistique :

  • Sont plus souvent hospitalisés
  • Ont des séjours hospitaliers plus longs
  • Reçoivent moins d’antalgique en cas de douleur
  • Subissent plus d’examens diagnostiques inutiles
  • Comprennent moins bien les soins dont ils font l’objet
  • Suivent moins bien les traitements et les recommandations de suivi qui leur sont proposés
  • Sont moins satisfaits de leurs soins
  • Ont un plus grand risque d’être victimes d’erreurs médicales

Ces constats soulignent l’importance de mettre en place des stratégies de communication adaptées afin de réduire ces inégalités et améliorer la qualité des soins pour tous.

Utiliser un langage simple et universel

Lorsque vous êtes confronté à un patient qui ne parle pas français, commencez par utiliser un langage clair, simple et universel. Évitez le jargon médical et privilégiez des mots courants et des phrases courtes. L’intonation et le langage corporel (gestes, expressions faciales) peuvent aussi faciliter la compréhension car la communication va au-delà du verbal.

Vous pouvez notamment créer des supports visuels (pictogrammes, illustrations, brochures multilingues), qui permettent d’expliquer plus facilement certaines notions de santé. Ces outils permettent de représenter visuellement des symptômes, des gestes médicaux ou des étapes de traitement, facilitant ainsi la compréhension et l’adhésion des patients. Dans cette optique, l’outil Talking Pictures constitue une ressource précieuse. Développé par la Haute école spécialisée bernoise, ce dispositif repose sur l’usage d’images pour soutenir la communication entre soignants et patients allophones. Grâce au soutien de l’Alliance pour la Compétence en Santé et de la Fondation Rahn, il est proposé gratuitement dans le cadre d’une initiative unique. Pour en savoir plus ou utiliser l’outil : talkingpictures.ch.

Pour finir, une bonne pratique consiste à demander au patient de reformuler avec ses propres mots ce qu’il a compris. Cette méthode permet de vérifier que les informations essentielles ont bien été assimilées et de corriger d’éventuelles incompréhensions.

Image. Une communication inefficace entre soignants et patients non francophones peut avoir des conséquences graves sur la qualité des soins et la sécurité des patients.

Faire appel à un interprète professionnel

Dans les situations où la communication joue un rôle clé pour établir un diagnostic ou garantir une prise en charge de qualité, le recours à un interprète professionnel est vivement recommandé. L’interprétariat communautaire, en particulier, repose sur des professionnels formés non seulement à la traduction linguistique, mais aussi à la médiation interculturelle. Ils sont sensibilisés aux enjeux de santé, à la confidentialité médicale et aux différences culturelles pouvant influencer la compréhension ou l’adhésion aux traitements.

 Cependant, faire appel à un interprète professionnel reste parfois difficile à organiser, en particulier dans les cabinets médicaux où les ressources logistiques et financières sont souvent plus limitées que dans les structures hospitalières. Dans certains cas, des patients proposent qu’un proche les accompagne pour traduire. Bien que cela puisse sembler pratique, il est important de rappeler que cette solution comporte des risques : erreurs d’interprétation, filtre émotionnel, biais culturel et surtout, atteinte au secret médical. Il est donc préférable de l’éviter, sauf dans des situations exceptionnelles.

 Pour organiser ce type de service, vous pouvez vous adresser à INTERPRET, l’association suisse pour l’interprétariat communautaire et la médiation interculturelle. Elle répertorie une vingtaine de services régionaux d’interprétation à travers le pays, ce qui facilite la mise en relation avec des interprètes qualifiés selon vos besoins. Plus d’informations : www.inter-pret.ch.

 

Utiliser des outils de traduction

Les applications de traduction automatique peuvent constituer une aide précieuse lors de consultations courantes, en permettant de faciliter un échange de base avec des patients allophones. Toutefois, ces outils ne sont pas exempts de limites : leur fiabilité peut varier, et ils doivent être utilisés avec discernement, surtout lorsqu’il s’agit de consignes médicales précises, de symptômes complexes ou de situations sensibles.

Certains dispositifs ont été spécifiquement conçus pour un usage en santé, comme Traducmed.fr. Cette application propose une série de phrases préenregistrées dans de nombreuses langues, telles que : « Bonjour, je vais utiliser l’ordinateur pour traduire des phrases qui ont été enregistrées à l’avance. Comprenez-vous cette langue ? ». Lorsqu’on sélectionne la phrase, celle-ci est alors diffusée en audio dans la langue cible, ce qui garantit une traduction correcte et validée par des professionnels. Ce format prêt à l’emploi présente plusieurs avantages : il fait gagner du temps et évite les erreurs fréquentes dans des outils de traduction généralistes comme Google Traduction ou DeepL.

 Néanmoins, ces solutions restent limitées : elles ne permettent pas de gérer des échanges nuancés, d’explorer des préoccupations personnelles ou de répondre à des questions imprévues. De plus, pour des conversations sensibles – par exemple l’annonce d’un diagnostic ou une discussion sur la fin de vie – l’usage d’une voix préenregistrée peut être perçu comme impersonnel, voire inapproprié.

 Dans ces situations, lorsqu’il est possible, le recours à un interprète professionnel demeure la meilleure option pour garantir une communication de qualité, respectueuse et sécurisée.

 

Conclusion

La barrière de la langue ne doit pas être un obstacle à des soins de qualité. En adoptant une approche adaptée, en utilisant les bons outils et en favorisant une attitude empathique, il est possible d’améliorer significativement la communication avec les patients non francophones. Chaque effort compte pour offrir des soins accessibles et compréhensibles à tous.

 

Jean Gabriel Jeannot, le 11.06.2025