Communiquer par mail avec ses patients, oui ou non? Les bonnes pratiques
Après l’avis de la FMH, des médecins et des patients et la réponse de ChatGPT, allons encore plus loin en consultant les bonnes pratiques sur ce sujet de la communication électronique médecins – patients.
Utilisation de l’e-mail dans le suivi de soin entre le patient et le soignant
C’est le titre d’un travail de séminaire réalisé par Nathalie Daina-Laville, infimière HES, spécialisée en diabétologie, dans le cadre d’un travail de Séminaire présenté à Unil – Unisanté en 2021. Elle a voulu en savoir plus sur la communication électronique entre médecins et patients, connaître ses utilités et ses dangers.
Ce sujet est d’autant plus important qu’il est le résultat d’une double évolution, technologique bien sûr avec l’utilisation toujours plus fréquente de moyens de communication électroniques mais aussi humaine, avec des patients qui souhaitent prendre une part toujours plus active dans la gestion de leur santé.
Première question, est-il possible de communiquer par mail avec son thérapeute ?
Nathalie Daina-Laville cite dans son travail la grande variabilité qu’il existe d’un pays à l’autre. Mon impression est que la possibilité de communication entre professionnels de la santé et patients dépend de très nombreuses variables. Il existe presque autant de situations que de thérapeutes. La situation diffère d’un pays à l’autre mais également d’une profession à l’autre, on peut facilement imaginer qu’une infirmière à domicile communiquera plus souvent avec ses patients qu’un physiothérapeute. Parmi les médecins, il existe également de grandes variations entre les spécialistes.
Comment savoir si le professionnel de la santé qui vous soigne est d’accord de communiquer par courriel avec vous ? Il faut le lui demander…
Image. Que mettre en place pour que la communication mail avec ses patients soit plus efficience (ou moins envahissante)?
Avantages et inconvénients
Nathalie Daina-Laville dresse également une liste des avantages et des inconvénients de la communication soignant – soigné par courriel. Pour ce qui est des éléments positifs, elle cite notamment l’amélioration de la continuité des soins, l’augmentation de l’autogestion du patient dans le cadre de maladies chroniques, un meilleur accès aux soins, l’option d’un canal de communication supplémentaire avec le patient mais aussi la possibilité de partager des informations entre plusieurs professionnels de santé ainsi qu’avec le patient.
Pour ce qui est des points négatifs, elle cite le risque de perte de confidentialité (erreur de transmission par exemple), l’augmentation de la charge de travail pour le soignant ( et le risque d’abus de l’utilisation de l’e-mail par le patient), le fait que le remboursement de la communication par courriel n’est pas clairement légiféré́ et le risque de disparité́ sociale (certaines personnes âgées, de langue étrangère ou ayant un bas niveau d’éducation pour qui l’utilisation du courriel est plus difficile voire impossible).
Recommandations à l’utilisation de l’e-mail entre soignant et patient
L’autrice de cette recherche rappelle dans son travail qu’il n’existe pas en Suisse de référentiel concernant les bonnes pratiques à l’usage de l’e-mail entre le soignant et le patient. Elle a donc établi une liste de critères en se basant sur la littérature existant sur ce sujet. Les critères sont répartis en trois thèmes : confidentialité et sécurité, délais de réponse et qualité de la communication.
Nous reproduisons ci-dessous la liste de ces recommandations avec l’autorisation de Nathalie Daina-Laville :
Confidentialité – Sécurité
- Utiliser uniquement les systèmes sécurisés pour l’envoi des courriels.
- Toujours s’assurer du bon destinataire – Pas de précipitation.
- Ne pas garantir la confidentialité ni la sécurité.
- Informer les patients du processus de traitement des courriels au sein du cabinet médical ou de soins.
- Informer les patients que l’e-mail ne doit pas être utilisé en cas d’urgence. Les patients doivent être informés des numéros téléphoniques à composer en cas d’urgence.
- Informer les patients des personnes qui pourront lire les courriels et y répondre selon leur nature.
- Adresser les courriels de façon à préserver l’anonymat des destinataires en évitant d’utiliser les fonctions « répondre à tous ».
- Eviter d’envoyer des messages à destination des boîtes mails familiales – sauf si le patient y consent.
- Faire preuve de discernement sur la nature des informations pouvant donner lieu à l’utilisation du courrier électronique – éviter de traiter par mail des informations médicales sensibles par exemple : données sur la santé mentale ou des maladies sexuellement transmissibles etc.
- Informer les patients que tous les courriels seront consignés dans les dossiers des patients concernés par la communication.
- A des fins de filtrage, demander au patient d’inscrire l’objet de l’e-mail (ordonnance ou prise de rendez-vous ou question sur diagnostic, résultats d’analyse, etc.).
- Demander au patient de saisir son identité dans la ligne objet (l’adresse mail est parfois non reconnaissable).
- Utiliser le formulaire de consentement écrit.
Délais de réponse
- Ne pas utiliser le courrier électronique pour les communications qui doivent se faire rapidement.
- Fixer des délais de réponse et avertir le patient des périodes d’absence de lectures des messages.
- Demander au patient d’accuser réception et faire la même chose.
- Demander au patient d’initier l’e-mail.
- Demander au patient d’assurer lui-même le suivi de son courriel.
- Rappeler aux patients les règles d’usage quand celles-ci ne sont pas respectées.
- Prévoir du temps dédié pour traiter les e-mails.
Qualité de la communication
- Rédiger les courriels avec soin.
- Adapter l’environnement qui puisse permettre la confidentialité.
- Informer le patient si un temps de réflexion – un délai supplémentaire est nécessaire pour la réponse.
- Le contenu des réponses doit être factuel – sans jugement de valeur (tout en restant empathique).
- Dire en personne que les courriels doivent être concis et éviter les sujets complexes, dans ce cas prévoir un entretien face-à-face ou un téléphone.
Nathalie Daina-Laville a voulu que son travail de séminaire ait une implication pratique, elle a donc rédigé une charte qu’elle utilise elle-même avec ses patients et qui sensibilise professionnels de santé et patients sur les atouts mais aussi sur les limites de l’utilisation du courriel entre soignants et soignés. Vous trouverez l’intégralité de son travail de séminaire, cette charte y compris, par ce lien.
Elle signale aussi un élément qui me parait essentiel, l’importance de former les professionnels de la santé : « Si l’on souhaite prévenir les incidents, il faut transmettre les bons messages aux étudiants des Universités et Hautes Ecoles Spécialisées en santé, et promouvoir la formation continue chez tous les professionnels exerçant les soins ». Un point de vue que je partage à 100 % même si pour l’heure, à ma connaissance, ce sujet n’est que rarement enseigné aux professionnels de la santé.
Jean Gabriel Jeannot, le 21.09.2024
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