Je suis médecin: dois-je connaître (et utiliser) ChatGPT 5 ?
Le 7 août 2025, OpenAI a dévoilé ChatGPT 5, une version qui marque un tournant dans l’évolution de l’IA conversationnelle (c’est en tout le message qu’ont souhaité transmettre ses concepteurs au moment de son lancement). Cette nouvelle version est l’occasion de se poser la question de l’utilité des outils d’IA générative en médecine.
GPT-5 : ce qui change
Sam Altman, le directeur général d’OpenAI, a déclaré : « pour moi, parler avec GPT-3, c’était comme parler à un lycéen. Avec GPT-4, ça ressemblait davantage à une conversation avec un étudiant. Avec GPT-5, c’est la première fois que j’ai l’impression de parler à un expert. ». Du marketing ? Certainement, mais il est vrai que chaque nouvelle version est supérieure à l’ancienne. Sam Altman a mis en avant trois grandes avancées :
- Une précision accrue : réduction nette des “hallucinations” grâce à des algorithmes d’évaluation et de filtrage renforcés. Si cela se confirme, ce sera une amélioration importante.
- Un raisonnement amélioré avec notamment des tests effectués pour la médecine. Evalué via HealthBench, un banc de tests conçu avec plus de 250 médecins dans 60 pays, GPT-5 surpasse largement les générations précédentes dans des dialogues médicaux complexes.
- Un dialogue proactif : le modèle pose des questions pertinentes, détecte des incohérences et attire l’attention sur des données importantes que vous n’aviez pas forcément signalées.
Tous les utilisateurs, y compris gratuits, peuvent désormais accéder à GPT-5. Les utilisateurs gratuits sont limités à 10 messages toutes les 5 heures et à un « raisonnement profond » par jour (une recherche approfondie). Au-delà de ces quotas, le système passe sur GPT-5 mini, plus rapide mais un peu moins performant.
Usages médicaux : quelques exemples
Il existe de nombreuses études sur l’utilité médicale de ChatGPT mais aucune ne concerne évidemment ChatGPT 5. Tout reste donc à être démontré.
Ces chatbots savent faire mille choses, générer du code informatique, créer des sites Internet, des jeux, générer des textes, des images, des vidéos et de la musique. Mais à quoi peut servir un tel outil pour un médecin ? Vous trouverez ci-dessous quelques exemples mais il existe certainement beaucoup d’autres possibilités.
Débutons par la base, la génération de textes. Premier élément, ChatGPT est très performant comme outil de recherche, à utiliser à la place d’un moteur de recherche, de Google par exemple. Dans notre quotidien médical, nous ne nous posons pas que des questions complexes, certaines peuvent être très basiques. Pour un rapport à l’AI, vous devez donner un diagnostic (état dépressif léger) mais aussi un code CIM. « Quel est le code CIM 10 pour un état dépressif léger ? », avec ChatGPT, vous obtenez une réponse précise et complète en une seconde. Sur le rapport d’une radiographie du thorax, vous lisez « présence d’une hernie de Bochdalek… ». C’est quoi ? C’est grave ? Avec la requête « Sur le rapport d’une radiographie, j’ai lu « présence d’une hernie de Bochdalek ». C’est quoi ? ». Vous avez une réponse précise immédiatement.
ChatGPT est aussi capable de générer du texte comme source d’informations, pour vous ou pour vos patients. « Je viens de diagnostiquer une hypothyroïdie chez un de mes patients, génère un texte pour lui expliquer ce qu’est une hypothyroïdie et ce que ce diagnostic implique pour lui ». Faites le test, je trouve que la réponse de ChatGPT est de qualité.
Dans la même idée, on parle aussi de ces chatbots comme soutien à la décision médicale partagée. Même pour la situation médicale complexe qu’est celle de l’utilité du dosage du PSA, le chatbot s’en sort je trouve bien : « Un de mes patients âgé de 55 ans me demande s’il doit faire un dosage du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate. Génère une réponse qui présente l’utilité et les limites de ce test. Il n’y a pas de cas de cancer prostatique dans sa famille et il n’a aucun symptôme urinaire ». La décision médicale partagée ne sera jamais mieux faite que lors d’un échange direct entre le médecin et son patient, il n’en reste pas moins qu’un texte à remettre au patient peut être un complément utile. Vous trouverez la réponse de ChatGPT 5 au bas de cet article.
ChatGPT peut aussi générer pour vous un texte pour répondre à un mail ou pour préparer un courrier à un collègue. Toujours dans l’idée de la création de textes, de nouveaux outils arrivent sur le marché pour retranscrire les consultations en textes structurés, plus besoin de prendre des notes pendant ou après la consultation, le bonheur !
Ces outils sont aussi performants pour la traduction. Vous recevez un rapport médical dans une langue que vous ne maitrisez pas? Vous obtenez la traduction en une seconde.
Les chatbots sont aussi capables d’interpréter des documents médicaux. Chez un patient avec une perturbation des tests hépatiques, vous avez demandé les sérologies virales. IgM, IgG, etc., l’interprétation d’un tel résultat peut prendre du temps. Même si dans ce cas une anonymisation du document est nécessaire, ChatGPT peut vous aider à comprendre les résultats (plus vite que votre cerveau, même si c’est difficile à avouer). L’outil est aussi capable de faire une synthèse à partir de plusieurs documents de nature différente.
La formation médicale devrait aussi être transformée par ces outils d’IA génératives mais ce sujet dépasse le cadre de cet article.
Dernier élément qui justifie que nous médecins nous intéressions à ces outils, nos patients les utilisent. Il est donc important que nous connaissions leurs forces et leurs limites pour pouvoir en parler avec eux.
Attention !
GPT-5 n’est pas un dispositif médical : toutes les réponses doivent être validées par un professionnel. Il faut utiliser GPT-5 comme une aide mais vous devez avoir les connaissances suffisantes pour juger de la pertinence et de l’exactitude de ses réponses.
Il faut bien sûr aussi se souvenir que le secret médical doit être respecté : il faut anonymiser toute donnée sensible.
A tester
L’arrivée de GPT-5 permet, même gratuitement, de bénéficier d’un outil d’IA avec un niveau de raisonnement avancé, jusqu’ici réservé aux abonnés payants. Pour nous médecins, c’est l’occasion de tester concrètement ses apports dans nos tâches quotidiennes — tout en restant vigilants sur les limites éthiques et réglementaires.
Une chose est sûre, il faut que des études soient réalisés sur les utilités et les dangers de ces outils en médecine. Il me semble aussi indispensable que les professionnels soient formés, nous devons tous acquérir des compétences nouvelles sur l’utilisation de ces outils. Pour terminer, vivement l’arrivée d’IA générative helvétique pour ne plus dépendre de solutions américaines ou chinoises.
Merci
Merci par avance pour vos commentaires, que vous soyez enthousiastes, critiques ou inquiets. Je serais aussi très intéressé à connaître les utilisations concrètes que vous faites de l’IA, en particulier dans le cadre de votre travail de médecin.
L’IA va progressivement se glisser dans toutes nos applications, nous ne sommes qu’au début des changements….
Au plaisir de vous lire.
Jean Gabriel Jeannot, 13.08.2025
Messages à retenir
- GPT-5 marque un tournant : plus précis, plus pertinent (selon ses concepteurs) et désormais accessible gratuitement à tous.
- Outil polyvalent : recherche rapide, explications médicales, rédaction de documents pour patients ou collègues, interprétation de résultats, synthèse de données.
- Aide au raisonnement clinique : dialogues proactifs, détection d’incohérences et soutien à la décision médicale partagée.
- Vigilance nécessaire : GPT-5 n’est pas un dispositif médical, les réponses doivent toujours être validées par un professionnel et respecter le secret médical.
- Occasion à saisir : tester l’IA dans la pratique quotidienne pour en mesurer les bénéfices réels, tout en restant conscient de ses limites.
PSA oui ou non ? La réponse de ChatGPT 5
« Un de mes patients âgé de 55 ans me demande s’il doit faire un dosage du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate. Génère une réponse qui présente l’utilité et les limites de ce test. Il n’y a pas de cas de cancer prostatique dans sa famille et il n’a aucun symptôme urinaire ».
Voici une réponse structurée, telle que vous pourriez l’expliquer à un patient de 55 ans, afin qu’il comprenne à la fois l’intérêt et les limites du dosage du PSA (antigène spécifique de la prostate) dans son contexte.
- Rappel sur le PSA
Le PSA est une protéine produite par la prostate. Son dosage sanguin peut détecter certaines anomalies, dont le cancer de la prostate, mais aussi des pathologies bénignes comme l’hypertrophie bénigne de la prostate ou une prostatite.
- Utilité potentielle du dosage
- Objectif : détecter précocement un cancer de la prostate avant l’apparition de symptômes.
- Particularité : certains cancers détectés tôt sont potentiellement guérissables, et un traitement précoce peut, dans certains cas, réduire le risque d’évolution vers une forme grave.
- Âge : à 55 ans, l’incidence du cancer de la prostate commence à augmenter, mais dans votre cas, il n’existe ni antécédent familial, ni symptômes, ce qui place votre risque dans la catégorie « moyen ».
- Limites et inconvénients
- Spécificité limitée : un PSA élevé n’est pas spécifique du cancer. Il peut être augmenté pour des raisons bénignes, entraînant des examens complémentaires inutiles (biopsies, IRM).
- Surdiagnostic : certains cancers détectés par le PSA sont des formes peu agressives, qui n’auraient jamais causé de problème au cours de la vie. Leur détection peut entraîner des traitements inutiles (chirurgie, radiothérapie) avec des effets secondaires comme l’incontinence ou les troubles de l’érection.
- Pas de réduction nette de mortalité globale : les grandes études montrent une diminution modeste de la mortalité spécifique par cancer de la prostate, mais pas de bénéfice clair sur la mortalité globale.
- Anxiété et suivi intensif : un résultat anormal peut générer un stress important et mener à un suivi rapproché, même si aucun cancer n’est finalement trouvé.
- Recommandations actuelles (Europe / Suisse)
- Pour les hommes sans facteurs de risque particuliers (pas d’antécédent familial, pas d’origine africaine subsaharienne), le dépistage par dosage du PSA n’est pas recommandé de manière systématique.
- On propose plutôt une décision partagée : le médecin informe sur les avantages et les risques, et le patient choisit en connaissance de cause.
- Si un dépistage est décidé, il doit être intégré dans un suivi médical et accompagné d’une discussion régulière sur la pertinence de le poursuivre.
- Conclusion pour votre situation
En l’absence de symptômes urinaires et de facteurs de risque familiaux, il n’existe pas d’indication claire à faire un dosage du PSA de manière systématique.
Vous pouvez :
- Soit décider de ne pas faire de PSA et rester attentif à l’apparition de symptômes urinaires,
- Soit faire un dosage après avoir accepté les risques de faux positifs, de surdiagnostic et de traitements potentiellement inutiles.
Il s’agit avant tout d’une décision personnelle, éclairée par l’information médicale.
Si vous voulez, je peux vous préparer aussi une version courte que vous pourriez remettre au patient sous forme de fiche d’information claire et visuelle. Souhaitez-vous que je la prépare ?

Image. Le futur de la médecine, un trio (le patient, le médecin et l’IA) ?
Pour aller plus loin
- Se connecter, s’inscrire à ChatGPT.
- L’intelligence artificielle pour les médecins, notre guide pour débuter.
Merci pour cet article.
Je me pose quand même la question de la consommation énergétique de ces ressources alors qu’une simple recherche Google consomme moins et (avec quand même plus de difficulté) peut nous apporter une reponse a la question.
Et sinon on m’a parlé de DougalGPT utilisé apparemment dans des hôpitaux en Angleterre
Bonjour, merci pour votre commentaire. Oui, la question énergétique est essentielle. On voit arriver de nouveaux modèles plus « légers », moins énergivores mais c’est un réel problème. La question énergétique va, vous le savez bien au-delà de ces outils d’IA et je trouve que le monde politique, en Suisse et ailleurs, est très passif sur la question. Mais c’est un autre sujet. Pour ce qui est de la solution anglaise, je ne la connais pas (encore…). Merci!