Le DEP, un dossier en perdition?

Ce titre est repris du dernier numéro du DOC, le magazine de la Société vaudoise de médecine. La question posée est celle de savoir si le dossier électronique du patient est utile et, si non, s’il le sera un jour.

Autant le dire d’emblée, le comité de rédaction du DOC a fait un travail remarquable : ce numéro propose toute une série d’articles sur le DEP, chacun étant un point de vue différent sur cet outil. À un moment où des millions sont investis dans ce projet, et où l’on a d’un côté des utilisateurs réticents (médecins et citoyens – patients), et en face les défenseurs du DEP mais aussi le monde politique, ces multiples éclairages permettront à chacun de se forger sa propre opinion.

Numérique ou digital ?

Qui ne souscrirait pas aux objectifs du dossier électronique du patient ? Cet outil devrait permettre un meilleur partage d’informations entre professionnels de la santé et aussi donner au patient un accès à ses propres données. En lisant les différents articles de cette revue, le sentiment qui domine est pourtant celui d’un échec : le DEP ne répond pas à ces objectifs.

On trouve probablement l’explication dès l’éditorial de ce numéro, sous la plume du secrétaire général de la SVM, M. Steve Aeschlimann, qui fait une distinction entre deux termes, numérisation et digital :

La numérisation est le processus de conversion d’une information analogue en format numérique, on pourrait aussi le décrire par l’acte de « scanner », sans réelle valeur ajoutée (…). La digitalisation, et son corollaire la transformation digitale, en revanche, pousse la numérisation une étape plus loin. Elle applique l’utilisation des données numériques pour les rendre disponibles et opérationnelles dans un espace digital. Digitaliser, c’est donc transformer les processus, voire l’organisation entière en s’appuyant sur les données numériques.

Même si les raisons qui font que le DEP n’est pas l’outil attendu sont nombreuses, cette distinction numérique – digital est déjà, à elle seule, une explication. Non, numériser ne suffit pas, il faut innover, transformer.

0,45 %

L’article « De la création à la révision du DEP » pose la question de savoir si la révision de la loi permettra de résoudre certains problèmes actuels : financement, adhésion des professionnel ·les de la santé et de la population, fonctionnement, interopérabilité et protection des données. Vous vous ferez votre propre opinion en le lisant mais il ne semble pas y avoir, de la part des auteurs de cette article, de grands espoirs.

On peut y lire aussi le chiffre de 0.45 %, qui correspond au pourcentage de la population vaudoise ayant ouvert un DEP à fin août 2023. Même s’ils sont bas, ces chiffres d’ouverture de dossiers sont souvent cités par les défenseurs du DEP, comme si un dossier ouvert était une finalité en soi. Pour soigner leurs patients, les professionnels auront besoin de dossiers complets, ergonomiques dans lesquels les données sont structurées, valorisées, pas simplement de PDF.

Que d’espoirs et de promesses non tenues…

Le plus critique semble être le Dr Philippe Eggimann, le président de la Société Médicale de la Suisse Romande et vice-président de la FMH. Dans son article Le DEP comme instrument de l’étatisation de notre système de santé, vous pourrez lire:

“Entrée en vigueur en 2017, la Loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP) a instauré un dossier électronique patient (DEP) inutilisable. L’empilement de fichiers PDF sans nomenclature, dont le choix et l’accès sont définis par le/la patient·e, est un échec. Que d’espoirs et de promesses non tenues…”

Et plus loin, comme conclusions :

Plutôt que de chercher à surmonter les erreurs conceptuelles et tenir compte des propositions des prestataires et des patient·es, la refonte proposée de la LDEP vise à instaurer des obligations, des sanctions et une surveillance. Le DEP deviendrait ainsi un instrument au service de celles et ceux qui demandent d’abandonner l’organisation actuelle du système de santé pour l’étatiser.

Vous l’aurez compris, le Président de la SMSR est pour le moins critique.

L’avis des patients

Vous trouverez enfin dans la rubrique « Le point de vue des patients » la position de M. Baptiste Hurni, président de la section romande de la Fédération suisse des patient-es. Il faut lire cet article Soignons les maladies de jeunesse du DEP !

Notre analyse est éminemment subjective mais la position de M. Hurni nous parait peu convaincante. A l’entendre, quelques coups de peinture suffiront pour transformer le DEP en un outil utile, utilisable et utilisé. Soit il connait mal le dossier, soit son message est politique.  Nous ne sommes en tout cas pas convaincus que son avis représente celui des patients.

Votre avis nous intéresse

Vous, vous en pensez quoi ?

 Jean Gabriel Jeannot, le 29.11.23